Il y a quelques jours, j’ai eu le plaisir d’interviewer l’auteure Française d’origine Congolaise, Marie-Inaya Munza, pour la sortie de son dernier livre Motéma (traduction du mot cœur en Lingala) : un recueil de textes et de poèmes, sorti le 30 juin dernier aux Éditions Sydney Laurent.
A propos de l’auteure
Marie-Inaya MUNZA est une jeune auteure d’origine Congolaise vivant à Paris. Passionnée depuis sa plus jeune enfance par les mots et la poésie, elle vient de sortir son deuxième livre, Motéma.
Elle fait partie de cette nouvelle génération de femmes qui oscillent entre leurs deux cultures, l’Africaine et l’Européenne. Marie-Inaya se définit comme une “Afropéenne”.
Durant cette interview on a parlé : de son parcours, de son choix littéraire pour ce deuxième livre, de son attachement au Congo, et des différents thèmes qui la sensibilisent.
L’interview
Pour commencer, comment êtes-vous devenue auteure ? Depuis quand écrivez-vous ?
J’ai toujours aimé lire. Mon amour des mots a commencé par la lecture de poèmes. L’écriture est venue après.
Plus jeune je tenais un journal que j’avais nommé maux à mots, j’y écrivais des poèmes.
La poésie m’a toujours ému.
Je suis devenu auteure tardivement.
En 2016, je me suis trouvée face à ma frustration : je ne trouvais pas assez d’héroïnes noires encrées dans notre époque, avec cette double culture, africaine et européenne.
Je rêvais d’une héroïne des temps modernes; une femme noire française de notre époque. Cette héroïne n’existait pas, j’ai donc décidé de la créer. C’est comme cela que m’est venu l’idée d’écrire le livre Black in the City, qui est sorti en 2017.
Comment est venue l’idée d’écrire un recueil de poèmes ?
Je suis revenue à mon premier amour : la poésie. J’avais envie d’aller au plus profond de moi-même et pour moi la poésie est le meilleur moyen d’incarner cela.
Il y a une émotion plus forte dans la lecture d’un poème que dans celle d’un roman classique.
Vous abordez plusieurs thèmes dans ce recueil, pourquoi ces choix ? sont-ils basés sur des expériences personnelles ?
J’avais envie d’écrire quelque chose d’éclectique. Un recueil de textes et de poèmes qui traite sur un florilège de sujets, qui me tiennent à cœur et qui me bouleversent depuis ma tendre enfance. D’ailleurs, le titre Motéma n’est pas choisi par hasard. Motéma signifie cœur en Lingala (langue parlée en république démocratique du Congo).
À travers le poème Mokonzi ( qui signifie roi en lingala) , vous rendez un bel hommage à Patrice Lumumba, chose que vous aviez déjà fait dans votre premier roman Black in the city, quel rapport entretenez-vous avec votre pays d’origine le Congo ? Est-ce que Patrice Lumumba, aurait pu, de son vivant être votre roi ?
Mon rapport avec le Congo est très fort. Je suis extrêmement fier de ma culture africaine. Je me considère comme une afropéenne. J’ai deux cultures française et congolaise. La congolaise est très importante pour moi, car c’est un héritage qui me permet de me trouver et d’avoir quelques choses à transmettre à mes enfants. Je suis une enfant du Congo donc pour moi, cela a du sens de rendre hommage à mon pays d’origine à travers mes livres. Un lien indestructible avec le Congo, m’anime au quotidien.
Patrice Lumumba ?
Oui absolument, il aurait pu être mon roi. C’est quelqu’un qui avait la volonté de faire évoluer son pays. Patrice Lumumba est une personne que l’on regrette encore aujourd’hui.
Un poème que j’ai beaucoup aimé et qui m’a aussi surpris est : « La rivière pleure encore », dans lequel vous parlez de Geronimo. Pourquoi avoir fait le choix d’écrire un poème sur lui ? Et pourquoi avoir choisi d’écrire sur le génocide des Amérindiens ?
Beaucoup de causes que je considère injustes me bouleversent. Historiquement c’est le plus gros génocide du monde et on en parle pas. C’est un sujet qui me touche et qui fait aussi référence à l’histoire des noirs soumis à l’esclavage. Ce poème est ma manière de dire que je partage la douleur qui fut la leur. D’autre part, la culture Amérindienne m’a toujours fascinée.
L’écriture des poèmes devient de plus en plus tendance, on a entendu Amanda Gorman lors de l’investiture du président Bayden aux USA, qu’apporte la poésie que n’apportent pas les autres genres littéraires ?
Je comprends votre question, mais le mot qui me dérange c’est « tendance ». Actuellement, la poésie est un courant littéraire dont on parle un peu plus que d’autres. Mais je pense, que les personnes qui écrivent des poèmes, ne le font pas pour suivre une tendance. Les poètes sont des personnes qui ont ce besoin d’exprimer des choses avec beaucoup de beauté. C’est beau la poésie. Elle apaise l’âme et nous enveloppe dans une délicatesse. Je pense aussi que si la poésie prend plus de sens aujourd’hui, c’est parce qu’on a besoin de réconfort et de douceur.
Que pensez-vous de la polémique sur la traduction du poème d’Amanda Gorman, lu lors de l’investiture du président Joe Biden ? Faut-il être noire pour traduire des auteures noires ? Voudriez-vous que votre recueil soit traduit uniquement par des femmes noires ?
Je rejoins Alain Mabanckou, qui avait dit qu’il n’y a pas de sujet. Associer cela à une couleur de peau c’est hors sujet. Des personnes ayant la même couleur de peau n’ont pas forcément le même parcours. Il y a des femmes noires avec qui je ne m’identifie pas. Aujourd’hui, on vit dans un tel brassage culturel que ce n’est pas parce que l’on n’est pas noire, que l’on ne peut pas comprendre les noirs. Je pense qu’il y a de la singularité partout, on ne doit pas se limiter à une couleur de peau. Non, je ne veux pas forcément être traduite par une femme noire.
En France, il y a très peu de poétesses noires comment expliquez-vous cela ? Il y a-t-il un frein des auteures noires de France d’aller vers ce genre littéraire ? Si oui, pourquoi selon vous ?
Il y a un grand manque de visibilité en France. Il y a des poètes noirs mais ils sont méconnus. Si on n’entend pas parler d’eux à l’école, dans les médias, on a le sentiment qu’ils n’existent pas. Pour les avoir rencontrés, je peux vous assurer qu’il y a des poètes noirs (des femmes et des hommes) en France mais ils manquent réellement de visibilités.
Avez-vous un endroit de prédilection pour écrire ? avez-vous une chambre à vous (concept de Virginia Woolf ) ?
Oui, j’aime écrire dans en endroit au calme, avec de la musique zen ou amérindienne. C’est important l’environnement, c’est inspirant.
Quel est votre livre de chevet ?
J’en ai plusieurs : « Les mots » de Sartre et « L’œuvre » de Maya Angelou.
Quels conseils donneriez-vous à une petite fille (noire, métisse …) qui souhaite devenir écrivaine ?
Il faut qu’elle se dise que c’est fait pour elle. Elle ne doit pas se poser des questions et ne doit pas écouter les gens. Elle doit tout d’abord écrire pour elle, car écrire c’est quelque chose qui fait du bien. Je pense que les écrivains écrivent pour soulager quelque chose dans leur for intérieur. Je ne suis pas partisane des discours qui disent : écrire, ce n’est pas pour moi !
Pour finir, ma dernière question : quel sera le thème de votre prochain livre et de quel genre littéraire sera – t-il ?
J’ai commencé à réfléchir à l’écriture d’un livre coaching en développement personnel, car c’est un sujet qui me fascine depuis toujours. Je veux donner de la force aux femmes noires et leur dire : c’est possible.
Je tiens à remercier Marie-Inaya d’avoir répondu avec sincérité à toute mes questions.
Si vous voulez en savoir plus sur elle, n’hésitez pas à faire un tour sur son site : https://www.marieinayamunza.fr/
Son recueil, de textes et de poèmes Motéma, est un vrai coup de cœur. Le livre est disponible aux Éditions Sydney Laurent et sur internet ( FNAC, Cultura et Amazon). N’hésitez pas à lire ma chronique littéraire (lien ici ).
1 Comment
Earlene_G
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